J’écoutais Maitre Richard Malka s’exprimer ce matin, 24 juin, sur France Culture à propos de l’affaire Mila, cette jeune adolescente dont l’avocat assure la défense dans un procès dont le verdict sera rendu le 7 juillet. La jeune fille, 16 ans et demi au moment des faits, s’était vue harcelée et menacée de mort par les milliers d’internautes qui s’étaient déchainés sur les réseaux sociaux parce qu’elle aurait offensé Dieu par des propos injurieux.
Offenser Dieu… Ce crime de lèse-majesté m’a toujours interloqué. Comment un être humain peut-il offenser Dieu ?
D’abord, évacuons l’option où Dieu n’existe pas car, dans ce cas-là, l’offense tombe dans le vide. Partons donc du principe que Dieu existe. Mais s’il est Dieu – omniprésent, omniscient, omnipotent – est-il seulement possible pour un mortel de l’atteindre dans sa toute-puissance par quelques insultes, même les plus abjectes ? Honnêtement, je ne le crois pas, sauf à le rabaisser à la condition d’un être que l’injure, la haine ou la menace pourraient atteindre. Un bien piètre dieu, alors. Plus sûrement un usurpateur. Je me fais une bien plus haute idée de la divinité qui préside à la destinée de tous les êtres vivants.
Il m’est arrivé à quelques reprises, lorsque les choses tournaient vraiment mal dans ma vie et que le destin semblait s’acharner contre moi, d’interpeller Dieu dans un moment de découragement ou de colère. Et à chaque fois, je me suis senti ridicule : « Tu es tombé bien bas, mon pauvre, si c’est à Dieu que tu t’en prends maintenant pour tes errements ou la bassesse de tes congénères ! Réagis, ressaisis-toi ! Le Dieu que tu connais est à tes côtés, toujours. Il est cette force qui te fait tenir debout malgré tout. Sans lui, que pourrais-tu faire ? »
Je n’arrive pas à comprendre comment nous pouvons, dans le même temps, affirmer la toute-puissance d’un Dieu et redouter qu’il soit menacé dans sa divinité par un, cent, mille ou même un million de blasphèmes, même les plus sordides ? Ce n’est pas sérieux, lorsque l’on songe à ce pouvoir extraordinaire qui organise à chaque instant, pour des millions d’espèces différentes à la surface de la Terre, les conditions optimales de leur vie dans la plus parfaite harmonie. Sauf lorsque nous, les êtres humains, nous en mêlons…
Les grands perturbateurs, c’est nous. Mais pas à l’encontre de Dieu. A notre encontre et à celle de toutes les créatures qui peuplent notre belle planète. Que d’énergie gaspillée, de souffrances occasionnées, à cause de cet orgueil démesuré et dérisoire dont nous nous parons pour cacher la nudité de nos âmes vengeresses ! Et pourtant, qu’elle est belle cette nudité, lorsqu’elle est contemplée dans l’intimité de notre cœur. Aucune offense, jamais, car seuls les amants éternels s’y étreignent dans un embrasement d’amour, de joie pure et sans témoin. C’est à ce spectacle merveilleux que nous invite la divinité lorsque nous avons extirpé la haine de nos cœurs.
« Ceux qui ne font pas campagne pour Dieu en eux-mêmes, mais contre le diable chez les autres, ne réussissent jamais à rendre le monde meilleur. »
Aldous Huxley