« La paix est une nécessité dans la vie de chacun. Ce n’est pas le monde qui a besoin de paix, ce sont les gens. Lorsque les habitants du monde seront en paix, le monde sera en paix. »
Cette citation de Prem Rawat – qui a longtemps orné la page d’accueil d’un de ses sites officiels – résume d’un trait la quintessence de notre défi, tant individuel que collectif et ceci quasiment depuis l’aube de l’Humanité. Elle a le mérite de replacer les choses dans leur véritable perspective : le collectif est la résultante de l’addition des individualités.
Les projets politiques, au sens large, se caractérisent par la proposition de dessiner l’architecture de la société idéale, pour ensuite inviter chacun à s’y conformer. Rapidement, l’invitation va se transformer en injonction, puis en contrainte, pour être finalement rejetée par le corps social. L’échec est alors patent, tout est à recommencer. Le scénario est bien connu, mais visiblement nous n’en connaissons pas d’autre.
Certains vous diront qu’en considérant les choses directement au niveau collectif, on gagne du temps. C’est faux. Ce n’est pas parce que vous avez dressé la table et mis le couvert que les convives seront rassasiés. La nourriture doit être consommée par chacun.
Les exemples de libérateurs qui se sont transformés en dictateurs est une loi quasi constante, et pourtant à chaque fois nous nous en émouvons.
Bien sûr, une majorité de gens vous diront que d’attendre que tout le monde ait trouvé la paix en lui-même pour l’établir au niveau mondial est un projet complètement utopique. Cependant tout le monde sera d’accord pour admettre que si, d’aventure, un tel miracle devait arriver, alors la paix mondiale serait de facto établie sans effort. Même sans avoir pu le vérifier dans le passé, notre bon sens nous fait dire que si tous les membres d’une société sont en paix, leur société ne peut être que pacifiée. Et « pacifiée », c’est beaucoup mieux que « pacifiste ». Cela veut dire que le but est atteint et les conflits sont derrière elle, car plus personne n’est en capacité de les réactiver. Nous nous serions immunisés contre la tentation guerrière !
Quand on couple ce grand projet utopiste qui peut nous sembler aléatoire et lointain, avec la soif inextinguible qui habite chacun d’entre nous d’atteindre le bonheur et la paix dans sa propre vie – qui est courte, ne l’oublions pas –, on saisit d’un seul coup la formidable convergence des intérêts : non seulement nous sommes les artisans de notre propre épanouissement, mais en plus nous pouvons être les acteurs du projet collectif le plus extraordinaire qui soit : la paix mondiale requiert le plein engagement de chacun.
Nous ne devrions jamais nous écarter des fondamentaux qui constituent l’ADN de notre humanité, ainsi nous éviterions justement l’écueil de l’utopie. Vouloir que le monde change selon notre désir, c’est simplement s’oublier dans l’équation. Testons d’abord sur nous-même ce que nous voulons voir advenir et la moitié du chemin est déjà accomplie, celle qui nous incombe, celle sur laquelle nous avons véritablement prise. Faisons confiance à l’autre moitié “du monde” qu’elle fera elle aussi sa part. Elle y a autant intérêt que nous.
On parle beaucoup d’anthropocène de nos jours. Un changement d’ère géologique qui ne serait pas un phénomène naturel, mais provoqué par l’homme. Ce sont les mêmes personnes qui vous diront que nous sommes partie intégrante de la nature. Ce serait donc bien à un processus naturel auquel nous assisterions, avec cependant cette nuance de taille : la nature nous a dotés d’un libre-arbitre dont, visiblement, nous n’avons pas encore véritablement appris à nous servir. « Libre » signifie indépendant, non subordonné à la décision d’autrui. N’attendons rien du collectif, mais offrons lui quelque chose que nous sommes seuls à pouvoir lui offrir.
Nous ne savons pas par quel processus mystérieux nous avons un jour acquis ce libre-arbitre qui semble nous placer juste un cran au-dessus de nos cousins les grands singes dont nous partageons entre 97 et 99% de l’ADN. Sans doute une combinaison de processus naturels et de modifications graduelles de comportement aboutissant à une mutation, comme celle qui s’est opérée chez les bonobos. De chimpanzés agressifs, car en compétition constante avec les gorilles dont ils partageaient le territoire, les bonobos sont devenus pacifistes à la faveur d’une modification du cours du fleuve Congo les ayant opportunément mis à l’abri du « Gare au gorille ! » cher à Brassens.
Ce libre-arbitre n’est qu’un des aspects de cette mutation qui s’est opérée chez l’être humain pour le rendre un peu plus conscient que les autres espèces. En réalité, nous cherchons toujours à comprendre qui nous sommes et nous n’aimons pas qu’on nous rappelle que nous ne sommes pas encore arrivés à maturité, un peu comme des ados en pleine crise de croissance !
Mais peut-être pouvons-nous voir dans la crise climatique actuelle, le processus naturel qui nous poussera à parfaire notre mutation en cours. Parfois, nécessité fait loi.
Le cheminement personnel vers la paix intérieure n’est pas toujours – loin de là ! – une partie de plaisir. Mais il est gratifiant, car chaque pouce de terrain reconquis sur soi-même, vous conforte d’avoir pris la bonne décision. Qu’ai-je accompli en réalité ? J’ai nettoyé la poussière qui s’était déposée au fil des ans sur mon miroir au point que je ne pouvais plus me regarder dedans. J’avais même oublié que j’en possédais un.
Et contrairement au gorille qui, face à ce miroir, bombe le torse, tambourine de ses poings puissants sur sa poitrine, montre les dents et pousse des cris pour intimider l’adversaire, un profond sentiment de gratitude m’envahit au point de me tirer des larmes lorsque je reconnais qui je suis en réalité. Si je devais prononcer un seul vœu pour l’Humanité, ce serait celui-ci : « Que chaque être humain ait l’occasion au moins une fois dans sa vie de se contempler sans fard dans le miroir de son âme. » C’est une expérience qui vous change à jamais.