Get up, stand up
Les discours raisonnés contre le réchauffement climatique font désormais place à des dénonciations radicales suggérées par Bob Marley de son vivant[i] et par tant d’artistes à sa suite[ii]. Marion Lagardère de France.info a relaté ainsi l’impatience salutaire de la Première ministre de la Barbade Mia Mottey : « C’était vendredi 24 septembre, en milieu de journée aux Nations-unies, son texte était déjà prêt; comme les autres, elle l’avait rédigé à l’avance, mais lorsque son tour est arrivé, elle a renoncé à le lire : Si j’utilisais ce discours, déclara-t-elle, ce serait une répétition, la répétition de tout ce que vous venez d’entendre, parce que nous répétons toujours les mêmes choses, encore et encore, et chers amis, nous ne pouvons plus faire ça. Sans notes, en improvisant, elle dénonce l’hypocrisie des prises de parole, l’absence de volonté politique et elle énumère les thèmes notés à la va-vite sur son téléphone avant de monter à la tribune :
- l’abandon de son voisin Haïti, victime à la fois d’une catastrophe naturelle et d’une crise politique,
- l’inaction climatique aussi, alors que les pays pollueurs ne respectent pas leurs engagements pour réduire les émissions de CO2 et limiter le réchauffement,
- l’inégalité sanitaire enfin et la nécessité impérieuse d’avoir des brevets de vaccins libres de droits et accessibles à tous. Combien de morts nous faudra-t-il encore avant que les 1,7 milliard de doses en possession des pays riches soient partagées avec ceux qui n’ont tout simplement aucun accès à la vaccination ? »
Pour clore ce discours dont le dernier argument est inlassablement repris depuis un an au moins par le professeur Riccardo Petrella, elle cite d’abord la chanson de Bob Marley puis : « qui se lèvera et tiendra bon pour les droits des peuples, pour ceux qui sont morts dans cette pandémie, pour ceux qui meurent de la crise climatique, pour les petits états insulaires qui ont besoin d’un réchauffement inférieur à 1,5 degrés pour survivre ? Si nous pouvons résoudre des problèmes hautement complexes comme l’envoi de gens sur la Lune ou les calvities masculines, on doit pouvoir régler de petits problèmes comme la faim et la pauvreté. » La Première ministre a terminé en fustigeant le mépris des dirigeants des pays les plus riches qui ne veulent pas entendre, leur court-termisme, leur inconséquence, leur cupidité.
Des dirigeants qui d’ailleurs n’étaient pas là lorsqu’elle s’est exprimée. Il n’y a pas eu d’applaudissements à tout rompre, ni d’ovation. La salle de l’ONU était à moitié vide. En revanche, sur Twitter, son discours a répandu l’espoir international et n’en finit plus d’être partagé, repris, loué pour sa fraîcheur, son courage, et ce dans toutes les langues, dépassant plusieurs millions de vues.
Les bœufs sont lents mais la terre est patiente
Cette citation de Pierre Falardeau servira maintenant à couvrir d’éloges des activistes dont la patience exercée toute leur vie doit nous servir de modèles forts.
- La charge prophétique de der Prozess dès 1914 – l’œuvre attendra des années après la mort de son auteur avant d’être publiée et de devenir une œuvre-phare du XXième siècle – dénonce le processus d’une justice aveugle au service d’une bureaucratie inhumaine. Lorsque le valeureux Pierre Craig titre l’œuvre télévisuelle de la semaine le procès[iii], ne répète-t-il pas l’erreur de traduction qui avait fait adopter le même titre par les traducteurs de Franz Kafka? Mon interrogation procède (!) d’un souci démocratique envers tant de gens démunis devant des entrepreneurs véreux inlassablement dénoncés par Craig quand il animait l’émission La facture et n’a surtout pas pour but de dénigrer le travail formidable que l’exemplaire journaliste d’enquête continue à effectuer, cette fois à Télé-Québec, mis au service de la Clinique Juripop et de Justice pour tous.
- Dans la même veine, on doit aussi s’attarder au travail patient à l’échelle internationale de la professeure Brigitte Alepin, fiscaliste, afin de créer un mouvement international qui mette en échec les stratégies d’évitement fiscal. LES PANDORA PAPERS couvrent de honte des dirigeants au discours hypocrite, tel Tony Blair, déjà dénoncé par le film vitriolique de Roman Polanski the ghost writer. Parmi ceux qui attirent l’attention du monde sur les paradis fiscaux, on retrouve aux premières loges le professeur Alain Deneault qui n’a pas hésité, malgré les attaques de minières très riches contre son livre Noir Canada, à dénoncer le phénomène qui prive les services publics de nos pays de rentrées d’argent en taxes évaluées à des centaines de milliards de $ annuelles, encore peu inquiétées par les timides 15% adoptés à grand renfort de rodomontades de nos ministres des Finances.
- Scandale après scandale se révèle la duplicité de nos dirigeants dénoncée méthodiquement, article après article (Pressenza.com), mouvement après mouvement (Attac, Oxfam…). L’Institut de Recherches et d’Informations Socio-économiques défend avec logique ce qu’apporterait au Québec une taxation juste des plus riches :
On remarque en ce tableau, à droite sur l’image (à gauche sur l’échiquier politique), l’extension du domaine public, qui va de pair avec la diminution planifiée de l’importance du privé, ce qui veut dire, si on ne veut pas perdre notre système public, favoriser
- les infirmières du secteur public épuisées par le COVID-19 que les primes du ministre de la Santé ne suffiront pas à toutes ramener dans le système, tant que le réseau privé parallèle les attire avec des conditions avantageuses (horaires souples moins contraignants, rémunérations accrues);
- les médecins et chirurgiens dont on coupe les conditions de travail à cause de la crise du Covid-19, traités injustement dans le public par rapport aux cliniques privées qui opèrent par l’argent de patients fortunés;
- les enseignant-es du système public, tant que les écoles privées jouiront de conditions privilégiées et de subventions, souvent pour des raisons religieuses, si ces deux mots peuvent co-exister, que même l’Ontario n’accorde pas.
Merci aux syndicats de protéger la valeur des premier-ères et troisièmes. Peut-être qu’avec la féminisation des médecins, viendra la nécessité d’une protection syndicale?
Notes
[i] Get up, stand up
Stand up for your rights !
Get up, stand up
Don’t give up the fight !
Sa mémoire préservée dans sa maison au cœur des montagnes de la Jamaïque, visitée il y a un an.
[ii] Un exemple de feu nous est donné par Martine Delvaux, dont la prise de position est signalée déterminante sur pressenza.com : L’oiseau de feu pyromane – Les Artistes pour la Paix
[iii] Réalisé par Frédéric Nassif