Dans la nuit du 26 au 27 septembre, à six heures d’intervalle, deux fortes explosions ont été enregistrées par l’Institut sismologique suédois, au sud-est de l’île danoise de Bornholm. D’énormes bulles de gaz sont apparues à la surface de la mer lorsque les techniciens d’AG, la société danoise qui gère le terminal d’arrivée des gazoducs Nord Stream 1 et 2, ont vu la pression dans les tuyaux chuter de façon spectaculaire. Ayant écarté l’hypothèse d’un tremblement de terre et d’une explosion sous les fonds marins, les autorités militaires suédoises et danoises sont arrivées à la conclusion que la rupture des tuyaux des deux gazoducs a été causée par une explosion dans l’eau et donc par un acte délibéré de sabotage qui a définitivement mis les deux gazoducs hors service.
Dès le début, les commentaires parus dans la presse internationale ont fait allusion à la possibilité que le sabotage soit l’œuvre des Russes (l’Ukraine l’a soutenu sans ambages) à l’instar de ce qui s’est passé avec la centrale nucléaire de Zaporijjia : « les Russes sont non seulement pervers – puisqu’ils ont bombardé une centrale qu’ils occupaient et défendaient pour des raisons que j’ai expliquées à plusieurs reprises – mais aussi incroyablement stupides puisque, au lieu de simplement fermer les robinets, ils ont fait sauter les tuyaux de deux gazoducs qui leur coûtent des dizaines de milliards de dollars. »
Pour démentir cette énième manipulation, deux facteurs sont intervenus : le premier est le fait que les coordonnées géographiques du sabotage le situent dans des eaux scrupuleusement contrôlées par la Suède et le Danemark. La seconde concerne les déclarations de l’ancien ministre polonais des Affaires étrangères (aujourd’hui député européen) Radoslaw Sikorski et du président américain Joe Biden lui-même.
Sikorski, en référence au sabotage du Nordstream, a écrit un tweet[1] dans lequel il a remercié les États-Unis pour ce qu’il a appelé « Une petite chose, mais une grande joie », allant jusqu’à citer ce que Biden a dit dans une interview le 7 février 2022 au sujet de Nordsteam 2.
Dans cette interview, reprise par l’hebdomadaire Newsweek, Biden a déclaré que si les Russes envahissaient l’Ukraine, les États-Unis mettraient fin à Nordstream 2. Répondant à l’objection d’un journaliste selon laquelle ce gazoduc était sous contrôle allemand, Biden a réitéré ce point en disant : « Je vous le promets : nous serons capables de le faire ».[2]
Comme corollaire à cette orchestration, il convient de souligner qu’au moment même où le secrétaire d’État Blinken déclarait que l’endommagement des pipelines ne fait de bien à personne, l’ambassade des États-Unis à Moscou appelait tous les citoyens américains à quitter la Russie immédiatement.
Rien de tout cela n’apparaît dans les médias, et encore moins les déclarations de la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères appelant le président américain à nier toute implication dans ce sabotage[3], mais surtout, il n’est pas tenu compte du fait que la destruction des deux gazoducs ferme encore plus la voie aux négociations et condamne l’Europe entière à une dépendance prolongée aux importations de gaz américain avec des conséquences incalculables sur le niveau de vie de la population.
Même si nous voulons ignorer la préméditation de cet acte de sabotage de la part des États-Unis, il devient de plus en plus clair que les pays de l’OTAN et l’UE elle-même non seulement n’ont pas l’intention de parler de paix, mais œuvrent en réalité à la poursuite de la guerre. L’augmentation des dépenses militaires et des fournitures d’armes à l’Ukraine (c’est ce qu’a dit Draghi et c’est ce qu’a annoncé Giorgia Meloni, la première ministre pour l’instant), ainsi que l’appel à l’austérité et aux sacrifices, ne se fait pas sur la base d’un consensus populaire large et conscient, mais sur la base d’une campagne médiatique intimidante et trompeuse qui est devenue partie intégrante de la guerre. Attribuer le sabotage des gazoducs russes à la Russie elle-même s’inscrit dans cette logique, mais l’acte de sabotage lui-même est un acte de guerre dirigé non pas tant contre la Russie, mais contre nous tous (N.d.T.: personnes habitent en Europe) qui devrons en supporter les coûts. Il est temps d’en prendre note et d’agir en conséquence.
Notes