Et si la paix était associée, dans notre inconscient, à un champ de ruines fumantes, lorsque la guerre s’interrompt faute de combattants ? Pourquoi faudrait-il que la paix n’intervienne qu’après l’affrontement, lorsque les forces sont épuisées ? Et est-ce d’ailleurs cela la paix : l’arrêt des combats ?
Ne pourrait-elle pas être ce socle de courage, d’humanité, de bienveillance et de compassion qui nous immuniserait contre la tentation de céder à nos pulsions basses, de s’imposer par la force ? Ne pourrait-elle pas être ce pont jeté, cette échelle de corde, cette main tendue, cette amorce de dialogue à trouver des solutions qui ne lèsent personne ? Cette perspective ne fait-elle pas surgir un sentiment intense de joie et d’espoir en toi ? Et si c’était possible ?
Comment avons-nous pu oublier nos idéaux d’antan, nos rêves d’enfants ? Comment pouvons-nous être devenus si sérieux, si oublieux, si industrieux, si misérables finalement, quel que soit le montant de notre compte en banque?
Notre inhumanité abyssale est le trou formé par notre humanité désertée.
Tous logés à la même enseigne, celle de l’amnésie, de la résignation et de la fuite en avant. Chacun pour soi, seul contre tous. En serrant les dents, parce que ça fait mal. Nous ne sommes pas fait pour se faire du mal, mais on ne veut surtout pas que ça se sache, que ça se voit. Des fois que l’on passerait pour un faible…
Alors, toutes griffes dehors, la parole « haut et fort ». Que les bourreaux, petits ou grands, paient. Tous, sans exception. Et tant pis pour les victimes collatérales. « On ne fait pas d’omelette sans… »
Mais justement, mon ami.e, rappelle-toi cet autre proverbe : « Qui vole un œuf, vole un bœuf. » C’est mon préféré, depuis mon enfance, depuis toujours. Celui qui m’a interpellé, m’a bien ennuyé, m’a mis au défi, m’a crucifié parfois. Celui qui m’a obligé à me poser cette question fondamentale : qui, véritablement, indubitablement, sans discussion possible, est l’artisan de mon propre malheur ? Sur quel mal suis-je certain de pouvoir agir ? Lequel me dérange le plus : celui que je subis ou celui que je provoque ?
Je te laisse avec ces interrogations. J’ai ma réponse et, excuse-moi, mais je suis pressé. J’ai encore tant de choses à réparer en moi-même.
On se retrouve bientôt pour construire un monde nouveau. Bonne chance à toi, mon ami.e, mon frère, ma sœur. L’heure de la résistance du cœur a sonné. Je l’entame d’un pas léger car je sais que nous sommes chaque jour un peu plus nombreux à l’entendre. C’est le seul appel qui ne se tait jamais. Il est inscrit dans notre ADN, nous accompagne et nous rappelle à l’ordre tout au long de notre existence. L’urgence est là.
Et ne crois pas que je déserte le champ de bataille. Je fourbis mes armes, au contraire, mes armes de construction massive. Celles dont tout homme et femme dispose en soi-même et pour soi-même. Celles que quelques-uns ont utilisées par le passé. Ils ont témoigné, nous ont laissé des traces. L’heure est venue d’en faire une utilisation à grande échelle. Avons-nous vraiment d’autres choix ?
« Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. » Etty Hillesum