L’audition devant le Comité judiciaire du Sénat des États-Unis du candidat Merrick Garland pour valider sa candidature au poste de procureur général a revêtu une importance particulière, compte tenu du climat actuel. Dès les toutes premières minutes de son discours d’ouverture, le juge Garland a abordé les enjeux historiques auxquels se trouvent confrontées les communautés ethno-raciales ainsi que les problèmes récurrents qui résultent de la concentration des pouvoirs entre les mains de la communauté blanche.
« Au cours des discussions que j’ai eues avec beaucoup d’entre vous, vous m’avez demandé pourquoi je serais d’accord pour renoncer à une nomination à vie à ce poste de juge. Je vous ai dit que l’idée d’être juge me plait, mais je vous ai dit aussi qu’il est important pour moi, maintenant, d’avancer parce que j’ai un grand respect pour le ministère de la Justice et pour le rôle décisif qu’il joue pour garantir l’État de droit.
Ses 150 ans d’existence nous rappellent les origines du ministère de la Justice des États-Unis (DoJ) : celui-ci a été fondé pendant la période de reconstruction suivant la guerre de Sécession pour protéger les droits civiques que promettaient les 13e, 14e et 15e amendements. Le premier procureur général, nommé responsable du nouveau ministère par le président Grant, a concentré son énergie dans la lutte pour protéger le droit de vote des noirs de la violence des extrémistes blancs et a assuré un suivi fructueux dans des centaines de dossiers contre des partisans blancs de la suprématie du Klu Klux Klan.
Près d’un siècle plus tard, le « Civil Rights Act » de 1957 créa la Division des droits civils du Département de la justice et lui confia la mission de garantir les droits civils et constitutionnels de tous les américains, notamment de certains des membres noirs de notre société. Cette mission, sur le site Web de la Division des droits civils du Département de la justice, reste prioritaire dans la mesure où notre justice n’est pas encore équitable. Les gens de couleur et les autres minorités sont encore confrontées aux discriminations, que ce soit dans le domaine du logement, de la formation, du travail ou du système de justice pénale. De plus, ce sont eux qui portent la plus grande part des préjudices liés à la pandémie, à la pollution de l’environnement et au changement climatique. 150 ans après la création de ce ministère, la lutte contre des attaques extrémistes sur nos institutions démocratiques reste une préoccupation centrale pour ce ministère. »
Tandis que l’on pouvait se demander si cette déclaration ne se référait qu’à la situation actuelle aux USA, singulièrement illustrée le 6 janvier, Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, prenant la parole devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, a dit que la suprématie blanche et le mouvement néo-nazi devenaient une « menace transnationale » et qu’ils avaient exploité la pandémie au coronavirus pour renforcer leurs partisans. La haute commissaire aux Nations unies pour les Droits de l’homme Michelle Bachelot doit faire un rapport au Conseil le 18 mars sur le racisme systémique dans le monde contre les individus d’origine africaine. Cette étude globale a été lancée après la mort, à Minneapolis en mai dernier, de Georges Floyd, qu’un policier blanc a maintenu auprès de neuf minutes en plaquage ventral avec le genou sur sa nuque.
Ce n’est pas le moment, pour les gens courageux, de renoncer à être vigilant. La discrimination globale immanente au système est mieux organisée que jamais. Même les églises jouent un rôle dans la division entre les hommes. Il y a quelques mois, le pape François a exprimé son inquiétude vis-à-vis des attitudes racistes chez certains membres de sa propre église.
« Il y a des cercles et des secteurs qui se présentent comme « ilustrados » (éclairés) qui déforment le message des Évangiles par une argumentation qui scinde le monde en « civilisés » et «barbares», a-t-il dit dans une interview en novembre 2020. « Ils considèrent une grande partie de la famille humaine comme une classe inférieure, incapable d’atteindre un niveau convenable dans la vie spirituelle et intellectuelle. »
Évidemment, ces positions décrivent des situations extrêmes, dans des communautés particulières, mais ces « petits » mouvements sont soutenus et liés à une communauté beaucoup plus grande de gens avec qui ils partagent ces points de vue. Quelques ronds de jambe ne résoudront pas le problème.
La communauté blanche, ma communauté, doit se relever et se prononcer contre le racisme et la discrimination, où qu’ils se manifestent. On ne peut pas se contenter de laisser les autres faire le travail à notre place.
Traduction de l’allemand, Didier Aviat