Notre grand ami, cher frère, Jean-Marie Muller, philosophe et militant non-violent, est décédé le 18 décembre dernier suite à une maladie qui l’affaiblissait depuis plusieurs années.
La famille d’AUNOHR plonge dans une profonde tristesse. Et c’est avec grand regret que nous avons annoncé la triste nouvelle, en particulier aux étudiants/es qui ont poursuivi ses cours de philosophie et à ceux et celles qui l’ont connu et admiré au Liban et dans le monde arabe.
Après Gandhi, Muller a insisté à ‘baptiser’ le terme de NON-VIOLENCE en philosophie, dotée de 44 livres et brochures réfléchis et écrits au courant de 50 années de sa vie active.
Jean-Marie Muller fut d’abord l’ami des fondateurs de l’université, Walid Slaybi et Ogarit Younan, depuis 1989, leur première rencontre à Paris. Et dès le départ, ils ont pris l’initiative d’introduire Muller dans le monde arabe, à partir du Liban évidemment, depuis 1990, « son deuxième pays » dit-il, puis en Syrie, Jordanie, Palestine, Irak et Kurdistan. Une bonne partie de ses livres et ses textes philosophiques et stratégiques, traduite en plusieurs langues, le fut de même en arabe, et dernièrement ses amis en France viennent de découvrir qu’il a été le plus traduit en langue arabe.
Nos Condoléances sincères à sa famille, son épouse Hélène et ses deux enfants, à nos amis/es du mouvement français de la non-violence dont Muller fut l’un de ses principaux fondateurs, ainsi qu’aux membres de l’université, ses Conseils, ses professeurs, étudiants et amis/es.
Adieu, Jean-Marie MULLER;
La famille d’AUNOHR
Texte de l’allocution de Jean-Marie Muller au lancement du projet pilote d’AUNOHR en 2009 :
«Lorsque mes amis le Dr. Ogarit Younan et le Dr. Walid Slaybi m’ont annoncé, lors de notre rencontre en juillet 2008 à Beyrouth, qu’ils allaient créer l’Université Arabe pour la Non-violence, c’est avec une immense joie que j’ai accueilli cette nouvelle.
Cette création est l’aboutissement de nombreuses années de travail tout au long desquelles Ogarit et Walid n’ont cessé de creuser un large et profond sillon dans lequel ils ont semé des graines de non-violence. Permettez-moi de rendre hommage à leur détermination et à leur persévérance qui ont permis que nous soyons rassemblés aujourd’hui.
C’est en septembre 1990 que je suis venu pour la première fois au Liban, invité par eux. Je me souviens, la guerre civile n’était pas encore tout à fait terminée et nombre de mes amis français me déconseillaient vivement d’accepter une invitation qu’ils jugeaient trop dangereuse. Je n’ai évidemment jamais regretté de ne pas les avoir écoutés. Durant les trois semaines que je suis resté, je suis devenu amoureux du Liban et je le suis resté.
Avec Ogarit et Walid, nous avons eu de nombreuses occasions de nous rencontrer, que ce soit en France ou au Liban, et ce sont des liens d’une profonde amitié qui se sont tissés entre nous, des liens d’autant plus forts qu’ils sont tissés par la même conviction que la non-violence exprime à la fois la vérité de l’homme et l’espérance de l’humanité.
C’est donc avec beaucoup d’émotion que je me retrouve aujourd’hui parmi vous.
Le Liban est malade de la violence. Le Moyen-Orient est malade de la violence. Le monde arabe est malade de la violence. L’Occident est malade de la violence. Le monde est malade de la violence.
Jamais, nulle part, la violence n’est capable d’apporter une solution humaine aux inévitables conflits qui divisent et opposent les êtres humains, les communautés, les peuples et les nations.
Jamais, nulle part, la violence n’est la solution. Toujours, partout, la violence est le problème.
Jamais, nulle part, la violence ne dénoue le nœud du conflit. Toujours, partout, elle ne fait que le resserrer.
Jamais, nulle part, la violence n’apporte la justice. Toujours, partout, la violence redouble l’injustice.
Jamais, nulle part, le meurtre n’établit la paix. Toujours, partout, le meurtre entretient la vengeance. Indéfiniment.
Jamais, nulle part, la violence n’apporte la victoire. Toujours, partout, la violence est une défaite, un drame, un malheur, une tragédie.
Chacun prétend défendre sa cause. Mais tuer un homme, ce n’est pas défendre une cause c’est tuer un homme. Et pervertir toute cause.
Jamais, nulle part, la violence ne tient sa promesse d’offrir des lendemains qui chantent. Toujours, partout, la violence apporte des aujourd’hui qui pleurent.
Dès lors, le défi qui est lancé aux femmes et aux hommes de bonne volonté en ce début du vingt-et-unième siècle est d’avoir l’intelligence d’inventer une solution au problème de la violence. Tout au long des cours qui seront dispensés dans le cadre de cette Université, il sera proposé de rechercher cette solution en faisant valoir les possibilités offertes par la stratégie de l’action non-violente.
Dès lors, le défi est de construire une philosophie de la non-violence. Une philosophie de la vie. Une philosophie de l’espérance. Une philosophie, c’est-à-dire une sagesse pratique qui invite à l’action.
Ce sont précisément ces défis que veut relever l’Université Arabe pour la Non-violence
Il existe en réalité une histoire de la résistance non-violente qui a ses lettres et ses actes de noblesse. Une histoire écrite par des femmes et des hommes qui ont refusé de se résigner à l’injustice qui outrageait leur dignité et bafouait leur liberté, et qui ont su imaginer d’autres moyens de résistance que ceux de la violence meurtrière. Á maintes reprises, leurs luttes non-violentes ont fait montre d’une réelle efficacité. De leurs mains nues, ils sont parvenus à désarmer leurs ennemis. Malheureusement, leur histoire est méconnue, ignorée, occultée. Á travers le prisme déformant de l’idéologie de la violence, notre mémoire collective n’a retenu que l’histoire des révolutions armées et des guerres meurtrières. L’Université Arabe pour la Non-violence veut permettre à ses étudiants de se ressouvenir de cette histoire des luttes non-violentes et de se les approprier.
Au cœur de chacune de nos cultures, se trouve l’exigence de non-violence qui confère à tout être humain dignité, grandeur et noblesse. Chacune de nos cultures est invitée à découvrir cette exigence qui s’est trouvée recouverte par les scories de l’idéologie de la violence. Chacune de nos cultures est invitée à construire une philosophie de la non-violence et de dialoguer avec toutes les autres cultures pour exprimer ensemble l’universel humain. Chacune de nos cultures donnera sa propre couleur à sa philosophie qui viendra s’inscrire dans l’arc-en-ciel de la non-violence annonciateur, au cœur des ténèbres qui recouvrent les mondes, d’une nouvelle aurore.
Je vous remercie.
Jean-Marie Muller
Liban, le 17 Aout 2009 »