Pressenza traduit et publie cette série de 13 articles réalisés par Verdadabierta.com après cinq ans de la signature de l’Accord de Paix en Colombie. Le premier article traduit a été : « L’objectif final est la réconciliation, et elle est obtenue grâce à une vérité incontestable », car – malgré les difficultés – nous pensons et sentons que toutes les tentatives de réconciliation valent la peine d’être racontées.

La matérialisation de l’Accord entre l’État colombien et l’ancienne guérilla des Farc emprunte un chemin sinueux, cahoteux et inégal, qui limite les avancées. Ces difficultés préoccupent les victimes du conflit armé, qui réclament une plus grande rapidité. Le bilan, cinq ans après, est aigre-doux. C’est ce que révèle cette série journalistique de 13 articles :

1– Le silence des fusils a été de courte durée.
2– La Juridiction Spéciale pour la paix (JEP) avance, malgré l’opposition.
3– La Colombie face au miroir de la vérité.
4– L’Unité de Recherche des Personnes portées Disparues (UBPD) n’a pas encore comblé le vide des disparitions.
5– « L’objectif final est la réconciliation, et elle est obtenue grâce à une vérité incontestable ».
6– Le solde en attente pour les femmes et la communauté LGBTI.
7– Le Chapitre Ethnique se limite au papier.
8– La mise en œuvre de l’Accord de Paix s’est avérée fatale pour les dirigeants sociaux.
9– Sécurité des ex-combattants : une dette qui a coûté la vie à 290 personnes.
10– Réintégration de l’ancienne guérilla : Le retour difficile à la vie légale, un bilan doux-amer.
11– Le Programme National Intégral de Substitution des Cultures Illicites (PNIS), un programme mis en œuvre au compte-gouttes.
12– Les Programmes de Développement axés sur le Territoire (PDET) n’ont pas réussi à étancher la soif de bien-être rural.
13– Cinq années de recherche de la paix au milieu des fractures.

 

Cinq ans d’Accord de paix en Colombie : Les Programmes de Développement axés sur le Territoire n’ont pas réussi à étancher la soif de bien-être rural

Le non-paiement des travaux simples et la marginalisation des communautés qui ont participé aux étapes de construction des programmes de développement centrés sur le territoire mettent en péril l’avenir de cette initiative, qui vise à régler les dettes socio-économiques avec les régions les plus touchées par le conflit armé.

« Aidez-nous autant que vous le pouvez pour que cette information, qui émane des communautés, puisse avoir le plus grand écho possible », déclare sur VerdadAbierta.com un leader communautaire de la sous-région du Pacifique Central, qui préfère garder l’ anonymat pour des raisons de sécurité, affligé par le fait que le bien-être de ses communautés noires n’est pas au rendez-vous après l’illusion suscitée par les Programmes de Développement axés sur le Territoire (PDET) et convenus dans l’Accord de Paix.

« L’institution en charge de l’affaire des Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET – poursuit ce leader noir – trompe le reste de la société colombienne et aussi la communauté internationale car lorsque les rapports de gestion des PDET sont présentés dans le Moyen Pacifique, ils montrent que des millions de dollars sont investis ici et qu’en fin de compte, rien ne se passe. »

Avec la sortie de l’ancienne guérilla des Farc des territoires où elle était présente depuis plusieurs décennies, s’est révélé l’immense abandon auquel a été soumise cette autre Colombie, qui a vécu pendant des années en marge de l’accès aux droits fondamentaux, dans la peur du quotidien jour après jour, et sans une présence complète et efficace de l’Etat.

Par exemple, dans le sud du département de Meta, dans les villages de Caño Amarillo et Albania, dans la municipalité de Vista Hermosa, il y a cinq ruisseaux qui n’ont pas de pont, les jours de pluie ils gonflent et personne ne peut se déplacer entre les villages, et encore moins transporter la récolte ; ou de voir que dans plusieurs communautés du Pacifique, ils sont laissés dans le noir quand le jour disparaît, en attendant un projet d’électrification.

Afin de fermer la brèche entre la campagne et la ville et d’apporter du bien-être aux communautés rurales, dans le cadre du point sur la réforme rurale intégrale, les Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET ont été décidés et ont vu le jour en mars 2017 avec le décret 893, une stratégie avec laquelle on espérait atteindre avec des investissements sociaux 170 municipalités du pays considérées comme les plus touchées historiquement par le conflit armé. Cependant, dans plusieurs zones, les populations expriment leur déception et leur mécontentement car elles n’ont pas encore vu de résultats concrets.

On peut en voir un exemple dans le village isolé de Gaviotas, dans la municipalité d’Uribe, dans le Meta, que l’on ne peut atteindre que par un chemin de terre et de pierres pendant plus de deux heures. Là-bas, les communautés signalent que les cultures ne sont pas rentables en raison des difficultés qu’elles rencontrent pour les acheminer vers les marchés plus importants, et que l’impulsion économique n’est pas au rendez-vous.

« Le produit est là, nous le semons, mais que faire ? » se demande un agriculteur. « Nous avons dû déboiser un peu parce que la seule chance c’est le bétail. Quand il y avait la coca, certains abattaient un hectare et plantaient, la transformaient et l’emportaient à pied, mais pour avoir un hectare de bananiers, ça ne peut pas s’emporter ‘à pied’, il faut trouver un moyen de transport, et à quel prix le transport. Avec les Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET, nous espérions des routes ».

Des témoignages comme celui-ci on peut les entendre de tous côtés dans le pays, alors que les microphones diffusent la phrase « nous nous adaptons », prononcée à plusieurs reprises par Emilio Archila, conseiller présidentiel pour la stabilisation et la consolidation, lorsqu’il parle de la mise en œuvre de l’Accord de Paix.

Fermer la brèche

Rattachée à la présidence de la République, l’Agence pour la Rénovation du Territoire (ART) a commencé à fonctionner depuis le 1er janvier 2017. Cette entité est chargée de coordonner l’intervention des entités nationales et territoriales dans les zones rurales touchées par le conflit. Dans le cadre de cet objectif, elle anime la coordination des Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET.

Le processus de consultation des habitants pour déterminer les besoins et planifier les tâches de mise en œuvre s’est déroulé dans le cadre d’un grand exercice participatif que le président de l’époque, Juan Manuel Santos (2010-2018), a qualifié à l’époque de « plus grand dialogue social du monde ».

Les besoins des communautés ont été définis dans les Plans d’Action pour la Transformation Territoriale (PATR), dont la construction s’est achevée au premier trimestre 2019, et a impliqué la participation de plus de 200 000 personnes, dont 65 000 femmes, et a relié 715 conseils indigènes et 517 conseils communautaires de communautés noires.

Ce processus de consultation a permis de recueillir les besoins de plus de 11 000 villages dans 170 municipalités prioritaires, regroupés en 16 sous-régions et classés comme les plus touchés par le conflit armé, la pauvreté, les économies illicites et la faiblesse institutionnelle.

Sous-régions du Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET

Cliquer sur ce lien et passez le curseur sur les zones colorées pour identifier les municipalités.

Carte : VerdadAbierta.com | Fait avec Datawrapper

Ce dialogue diversifié a débouché sur 32 808 initiatives – 4 606 initiatives liées au genre et aux femmes du milieu rural, 8 381 initiatives appartenant à des ethnies et 619 initiatives liées aux ethnies et au genre – qui devraient être mises en œuvre dans un délai de 15 ans sous la direction des Plans d’Action pour la Transformation Territoriale PATR.

Ces initiatives répondent aux besoins de ces populations dans le cadre de huit piliers : Gestion Sociale de la Propriété Rurale et Utilisation du Sol ; Infrastructure et Adaptation des Terres ; Santé rurale ; Éducation Rurale et Petite Enfance ; Logement ; Eau Potable et Assainissement Rural de Base ; Réactivation Économique et Production Agricole ; Système de Garantie Progressive du Droit à l’Alimentation ; Réconciliation, Coexistence et Construction de la Paix.

Mesurer les progrès des Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET, qui sont projetés sur 15 ans, n’est pas une tâche facile. Une seule de ces plus de trois mille initiatives peut couvrir des besoins différents et très variés d’une municipalité ou d’une sous-région. Cela implique, selon l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART, que « ce n’est pas nécessairement par la mise en œuvre d’un seul ‘projet’ ou d’une ‘gestion’ spécifique qu’il est possible de parvenir à la mise en œuvre complète ou à la réalisation d’une initiative. En outre, certaines des initiatives nécessitent des actions permanentes pour leur mise à exécution, telles que celles liées à l’entretien périodique ou aux dotations ».

Selon le bilan de la l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART, au 10 septembre 2021, 8 594 initiatives disposaient d’un parcours de mise en œuvre actif c’est-à-dire associé à des projets et des interventions favorisant leur réalisation.

« Sur les 8 594 initiatives, 9.82 % sont associées au pilier de la Gestion Territoriale, 12.83 % aux infrastructures, 8.46 % à la Santé Rurale, 25.04 % à l’Éducation Rurale ; 7.30% pour le volet logement rural, eau potable et assainissement rural de base, 21,53% pour la Réactivation Économique, 5.32% au Droit à l’Alimentation et 9,70% pour le volet Réconciliation et Paix.

État des travaux des Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET

Cliquez sur le petit triangle au-dessous du titre pour accéder aux Etat des travaux des différentes régions référencées :
Alto Patía y Norte del Cauca (26,49%), Arauca (19,32%), Bajo Cauca y Nordeste antioqueño (36,41%), Catatumbo (31,48%), Chocó (21,36%), Cuenca del Caguán y Piedemonte caqueteño (28,09%), Macarena-Guaviare (30,49%), Montes de María (23,85%), Pacífico Medio (34,66%), Pacífico y Frontera Nariñense (21,77%), Putumayo (20,52%), Sierra Nevada – Perijá – Zona Bananera (33,35%), Sur de Bolívar (30,99%), Sur de Córdoba (24,63%), Sur de Tolima (25,77%), Urabá antioqueño (22,49%)

(jaune) en voie de réalisation, (gris) en attente de réalisation

Pilier 1 : Gestion sociale de la propriété rurale et de l’utilisation des terres. Pilier 2 : Infrastructure et aménagement du territoire. Pilier 3 : Santé rurale. Pilier 4 : Éducation rurale et petite enfance rurale. Pilier 5 : Logement rural, eau potable et assainissement rural de base. Pilier 6 : Reprise économique et production agricole. Pilier 7 : Système de garantie progressive du droit à l’alimentation. Pilier 8 : Réconciliation, coexistence et consolidation de la paix.

Source : Agencia de Renovación du Territoire (Agence de Renouvellement du territoire) – 10 septembre 2021.

 

Bien qu’il soit difficile d’évaluer les progrès, comme l’explique l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART elle-même, en examinant les projets et les travaux pour la réalisation des initiatives, le sentiment général, lorsque l’on interroge les communautés est qu’elles attendaient davantage à cette date.

L’Agence a observé de manière générale des situations qui génèrent des risques associés au stade de la mise en œuvre des projets, comme des retards dans les calendriers pour diverses raisons, des pénuries de matières premières dues à la pandémie de Covid-19, aux conditions climatiques, aux conséquences des blocages routiers en pleine grève nationale à la mi-202, à l’invasion des terrains où sont réalisés les travaux et, dans certains cas, à des réajustements de prix.

Pour un défenseur des droits humains de la sous-région Alto Patía et Norte del Cauca, qui préfère garder l’anonymat pour des raisons de sécurité, le plus gros problème dans la mise en œuvre des Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET est le rôle de l’ART : La justification est que « face aux attentes exprimées par les communautés, l’ART répond : « Nous sommes une entité de coordination, de facilitation, d’accompagnement ; nous cherchons des sources de financement, mais nous ne sommes pas responsables de l’exécution des Plans d’Action pour la Transformation Territoriale PATR ».

Sur les traces de l’argent

Les Programmes de Développement axés sur le Territoire PEDT sont exécutés grâce à trois sources de financement : l’Organe Collégial d’Administration et de Décision (OCAD Paz), qui gère les ressources des redevances ; les Chantiers payés par les Impôts, auxquels le secteur privé peut participer de manière effective ; et les ressources de la coopération internationale.

Le 23 novembre, un jour avant le cinquième anniversaire de la signature de l’Accord de Paix, l’Agence de Développement Rural a indiqué que le gouvernement national avait investi 11,44 milliards de pesos dans les 170 municipalités des Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET.

Selon les informations rapportées, les sources de ces ressources se répartissent comme suit : Organe collégial d’administration et de décision OCAD PAZ, 6,23 milliards de pesos ; Impôts, 607 456 millions de pesos ; Fonds Colombie en Paix, un milliard de pesos ; budget général de la Nation, 3,10 milliards de pesos ; et coopération internationale, 428 105 millions de pesos.

D’un autre côté, interrogée sur les ressources qui ont été utilisées pour les initiatives, l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART soutient que jusqu’au 31 août 2021, en ce qui concerne le nombre d’œuvres exécutées avec les ressources des fonds de l’Organe collégial d’administration et de décision OCAD PAZ et Œuvres pour les impôts, 432 et 76, ont été respectivement réalisées.

Les régions ayant le plus grand nombre de projets dans le Fonds OCAD pour la Paix sont la Sierra Nevada, Perijá et Zona Bananera (72), le bassin de Caguán et Piedemonte Caqueteño (49), Macarena – Guaviare (38) et Chocó (35). Sur les 432 projets de ce fonds, plus de la moitié (295) sont destinés au deuxième pilier, à savoir les Infrastructures et l’Adaptation des terres, suivis par le Logement Rural, l’Eau Potable et l’Assainissement Rural de Base (89).

Dans le cas des travaux des œuvres pour les impôts, les sous-régions qui occupent les quatre premières positions sont Alto Patía et Norte del Cauca (11), Sud del Tolima (11), Putumayo (9) et Arauca (9) ; la majorité d’entre elles sont liées à diverses formes de soutien à l’éducation et à la petite enfance rurale, ainsi qu’à la réhabilitation, l’amélioration et la construction de routes.

Dans les informations fournies par l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART sur les travaux réalisés, un projet d’amélioration de la route pour le tronçon allant de la municipalité d’El Paujil à Cartagena del Chairá, dans le département de Caquetá, apparaît comme « terminé », dans lequel 35 milliards de pesos ont été investis. Cependant, une équipe de journalistes de ce portail a constaté, début novembre de cette année, qu’il reste encore des tronçons à terminer, ce qui affecte la circulation dans la région en raison des travaux sur la route.

L’un des aspects qui demandent attention dans la réponse donnée par l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART à VerdadAbierta.com concerne la précision que cette agence apporte sur les données relatives aux projets qu’elle ne gère pas, car elles proviennent d’exercices de capture d’informations d’autres systèmes ou de sources externes et « ne constituent pas l’information première ou officielle les concernant ». Ce qui est inquiétant dans cette clarification, c’est que l’agence n’a pas de certitude sur les œuvres qui ne sont pas sous son contrôle.

Comptes en suspens

Photo : Carlos Mayorga Alejo.

Les Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET envisageaient la réalisation de « travaux à petite échelle et à exécution rapide », par le biais desquels des projets tels que des salles de classe ou des terrains de jeux pour les enfants étaient destinés à être construits pendant que les Plans d’Action pour la Transformation Territoriale PATR étaient en cours de réalisation, par le biais de dialogues de consultation des communautés locales et régionales.

Pour le Pacífico Medio (N.d.T. Pacifique Central), comprenant les municipalités de Guapi, López de Micay et Timbiquí, dans le département du Cauca, et la municipalité de Buenaventura, dans le Valle del Cauca, il était convenu qu’au moins dix de ces petits travaux seraient exécutés pour chacune de ces quatre municipalités, mais le PATR a été signé le 23 février 2019, et à ce jour, pas un seul d’entre eux n’a été exécuté. (Lire aussi : Le Programme de Développement axé sur le Territoire est toujours sur le papier dans le sud-ouest, et Dans le Pacifique Central, ils se bercent d’illusions avec l’argent de la paix).

Le Consortium EGA, formé par la Corporación Escuela Galán pour le Développement de la Démocratie et Asfaltart S.A., est responsable de ces travaux. À ce jour, à Buenaventura, l’ouvrage le plus avancé de ce type est un parc pour enfants dans le conseil communautaire de Zacarías del Río Dagua ; cependant, le contrat signé par le Consortium EGA et cette communauté afro descendante est en place depuis plus de trois mois et l’avance n’a pas été versée.

Dans le cas de la municipalité de Guapi, sur la côte du Cauca, selon les informations de l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART, un parc dans le village de San Antonio de Guajui a été achevé, mais la plainte du conseil communautaire de la rivière Guajui est que les 221 millions de pesos qui avaient été convenus pour ce travail n’ont pas été versés. À Timbiquí et López de Micay, à la date de cette publication, les premiers travaux n’ont pas commencé.

VerdadAbierta.com a recherché les directeurs du Consortium EGA. Le porte-parole est Sergio Párraga, son représentant légal, qui a déclaré sur ce site que certains des petits travaux sous sa responsabilité dans diverses communautés du Pacifique sont en état de structuration pour ceux qui ont un plus grand degré de complexité, mais que les travaux simples, comme les aires de jeux pour enfants pour lesquels les communautés attendent le paiement, n’ont pas besoin de ce type de processus et que la chaîne des manquements part de l’État.

« Au jour d’aujourd’hui, on m’a attribué 14 millions de pesos après que nous ayons signé le contrat du Pacifique Central en décembre 2019 », déclare Párraga.  « Nous n’avons pas l’obligation contractuelle de financer les travaux, c’est au Fonds Colombie en Paix de nous régler pour pouvoir payer. A ce jour, le Fonds ne nous a pas transféré les ressources, et nous avons dû assumer de nombreux coûts administratifs ».

Le représentant légal du consortium ajoute qu’ils ont dû chercher des prêts pour commencer à effectuer les petits paiements qu’ils ont accordés aux communautés.

Dans le cas du conseil communautaire de la rivière Guajui, M. Párraga a déclaré que 60 millions avaient été versés et qu’un deuxième versement de 120 millions était prévu pour la fin novembre, ce qui laisse un solde pendant d’un peu plus de 41 millions à payer.

Photo : Carlos Mayorga Alejo.

À Buenaventura, ils prévoient une réunion dans le courant de la semaine pour commencer les travaux et ils affirment qu’il n’a pas été possible de commencer l’exécution du projet de terrain de jeux pour enfants parce que le Consortium EGA n’a pas encore perçu l’avance.

« Il y a un problème ici, et c’est une lecture du Consortium que nous avons mise sur la table dans les Comités Techniques Opérationnels devant l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART nationale et régionale, à savoir que la structure du contrat ne vise pas à faire les travaux le plus rapidement possible, c’est une structuration assez complexe. Les choses auraient dû être beaucoup plus rapides, il aurait dû y avoir des recours », déclare le représentant du Consortium EGA, et précise que ce problème n’est pas un cas isolé dans le Pacifique, mais que les manquements sont généralisés avec d’autres opérateurs dans d’autres sous-régions du pays.

« Mais pour être les plus justes possible, il y a deux mois les processus avec le Fonds ont commencé à avancer », dit Párraga et prévient que la crise sanitaire causée par Covid-19 a affecté l’exécution des travaux, en termes de temps et de coûts : « Les matériaux ont beaucoup augmenté, les prix de l’acier ont flambé, le béton est impossible, les transports sont difficiles, et maintenant nous sommes en pleine saison d’hiver. »

En ce qui concerne les ressources provenant de l’Organe collégial d’administration et de décision OCAD Paz, les communautés du Pacifique Central soulignent qu’aucun projet n’a été soutenu par ce fonds. « Aucun conseil communautaire du Pacifique Central n’est assez fort pour élaborer des projets de ce type, souligne le responsable de la sous-région, qui préfère rester anonyme. La formulation elle-même se fait à travers les mairies, mais si c’est difficile pour les mairies parce qu’elles n’ont pas de budget défini et le personnel nécessaire pour la formation et le suivi de ces projets, qu’en sera-t-il pour les conseils communautaires ? C’est pourquoi il n’y a pas de projets ! »

Dans le cas des autres sous-régions du Programme de Développement axé sur le Territoire PDET du Pacifique, le porte-parole du Pacifique Central considère que, bien qu’il y ait quelques travaux dans ces autres municipalités, ils sont en général très peu nombreux par rapport aux autres régions de la géographie du pays. Une situation préoccupante car le temps pour l’exécution des travaux, à mesure que les jours passent, est de moins en moins long compte tenu de l’objectif de 15 ans.

« C’est aberrant. Cela nous montre aussi que ce pays, de la part de ceux qui le dirigent, est encore profondément raciste et discriminatoire, parce qu’ici nous sommes les communautés noires et indigènes, donc à eux nous ne devons rien leur envoyer », dit le leader du Pacifique.

Phase de « faible participation »

Photo : Carlos Mayorga Alejo.

Dans le cadre d’un processus d’établissement de relations entre les dirigeants d’Alto Patía et de Norte del Cauca, les défenseurs des droits humains ont formé l’Articulación Regional por la Paz (N.d.T. Articulation régionale pour la paix), à partir de laquelle ils assurent de manière autonome le suivi régional et municipal de la mise en œuvre du Programme de Développement axé sur le Territoire PDET dans 24 municipalités des départements de Valle del Cauca, Cauca et Nariño.

Cette initiative a été prise parce qu’ils considèrent que les membres de l’organe de surveillance du PDET qui sont restés en place dans le Plan d’Action pour la Transformation Territoriale PATR, approuvé et signé en décembre 2018, n’ont pas été formés pour suivre la mise en œuvre du Programme et qu’ils « ils sont utilisés pour valider des décisions auxquelles les dirigeants n’ont pas participé », explique un défenseur des droits humains de l’Espace régional de paix du Cauca, qui préfère garder l’ anonymat en raison des niveaux élevés de violence dans le département.

Dans cette tension, les organisations de cette sous-région ont déclaré qu’elles se sont plaintes auprès de l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART de ne pas recevoir d’informations, de ne pas être informées des initiatives qui sont mises en œuvre, et de ne pas communiquer avec eux.

« Il y a très peu de participation, elle est faible pour les dirigeants du groupe moteur et des organisations sociales qui étaient présents dans le Plan d’Action pour la Transformation Régionale PATR, dans la priorisation, la structuration et la sécurisation des ressources pour les 4 466 initiatives dans l’Alto Patía et le Norte del Cauca », ce qui explique que les communautés déclarent « ne pas avoir le sentiment que la paix soit arrivée dans les territoires ».

En outre, les dirigeants se sentent las parce que, comme l’explique ce porte-parole, « certaines communautés rejettent la responsabilité sur les personnes déléguées des groupes moteurs ou des organisations sociales qui ont participé au processus du fait que rien n’a été mis en œuvre ».

Les activités les plus récentes menées par les membres du groupe de pilotage dans chaque sous-région ont été la validation des feuilles de route, un outil qui permet d’organiser la mise en œuvre des Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET, en articulant les plans nationaux et territoriaux en cours d’élaboration dans chaque territoire.

Onze feuilles de route ont été publiées sur le site web de l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART, celles du Pacifique Central, de Macarena-Guaviare, d’Arauca et Alto Patía et du Norte del Cauca sont encore en attente. Dans le cas de ce dernier, le défenseur des droits humains de l’Espace Régional de Paix du Cauca explique qu’ils étaient encore en train de faire des ajustements au document afin qu’il réponde mieux à la réalité de la région, et qu’il inclue les droits humains et les aspects environnementaux.

« Bien que, suite à la construction et à la validation de la feuille de route, certaines initiatives seront priorisées, qui dans ce cas sont au niveau municipal et sous-régional, le processus pour trouver la source de financement et arriver à la mise en œuvre est un processus assez lointain », dit le dirigeant du Cauca, qui précise que les initiatives seront priorisées, mais n’auront pas un processus de structuration et de financement en bonne et due forme.

Quitter la table

Photo : Carlos Mayorga Alejo.

Le Plan d’Action pour la Transformation Territoriale PATR de la région Pacifique porte la signature des communautés ethniques (conseils communautaires et organisations indigènes), des maires et des gouverneurs des municipalités ; il s’agit, selon les termes des dirigeants, d’un « Programme de Développement axé sur le Territoire PDET ethnique ».

Dans le cas de la sous-région du Pacifique Central – afin de poursuivre la participation communautaire aux initiatives du pilier Réconciliation, Coexistence et Consolidation de la Paix – il a été convenu de créer une table ronde sous-régionale pour assurer le suivi et l’accompagnement de la mise en œuvre du Programme de Développement axé sur le Territoire PDET. En plus de la création d’une table ronde pour traiter des questions qui ne relèvent pas de la compétence de ce programme, telles que les besoins organisationnels des communautés noires, le rôle possible des communautés indigènes en tant qu’autorités environnementales, ou les modifications de la division maritime de la région. Cependant, aucune de ces initiatives ne s’est développée comme prévu.

« Nous, les communautés, pour notre propre compte, avons dû former la table ronde sous-régionale du Programme de Développement axé sur le Territoire PDET pour le Pacifique Central », dit le défenseur des droits humains consulté, comme stratégie pour suivre la mise en œuvre des PDET. Et depuis le 29 août dernier, ils ont décidé de cesser les réunions sur les questions du PDET avec les institutions de l’État jusqu’à ce que trois demandes soient satisfaites.

La première est la création d’une coordination pour le Pacifique Central, car depuis sa création, il n’a jamais eu de coordination propre, mais est géré par la coordination de l’Alto Patía et du Norte del Cauca. « Le fait que cette coordination n’ait pas été créée dans une large mesure justifie également qu’il n’y ait pas de résultats ici dans le Pacifique Central », précise le leader de cette région.

Dans la deuxième, ils demandent la reconnaissance du comité de suivi qu’ils ont créé en tant que communauté, et la troisième vise à gérer un plan pour résoudre le déficit de la sous-région en termes de formulation, de viabilité et de financement des projets, afin que les 629 initiatives accordées puissent être réalisées dans les délais prévus par les Programmes de Développement axés sur le Territoire PDET.

Les leaders du Pacifique ont également demandé à l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART un espace de conversation au sein duquel les responsables de l’Agence de Renouvellement, du Conseil Présidentiel pour la Stabilisation et la Consolidation et des garants nationaux et internationaux aborderaient ces points. Le 13 octobre dernier, ils se sont rencontrés, mais cela ne s’est pas passé comme les communautés l’avaient espéré.

« Nous sommes arrivés là-bas et il y avait les mêmes personnes avec lesquelles nous avons toujours été en discussion et avec lesquelles aucun résultat n’a été obtenu pour le Pacifique Central. Les autorités ethniques du Pacifique avons décidé qu’il n’y avait pas lieu de discuter et jusqu’à aujourd’hui, 22 novembre, nous n’avons pas reçu de réponse. Il se dit de manière officieuse que à l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART prépare une réponse ».

Bien que, lors de la réunion ratée du 13 octobre, des représentants de l’ART aient tenté de persuader certains dirigeants de poursuivre le dialogue en affirmant que ces travaux commenceraient le 1er novembre, aucun progrès n’avait été enregistré au moment de la publication de ce document.

Aux possibles obstacles bureaucratiques s’ajoute une atmosphère d’hostilité qui entoure ceux qui, depuis les communautés, veillent au respect des programmes convenus à La Havane, à Cuba. Plusieurs défenseurs des droits humains de tout le pays s’accordent à dire qu’ils craignent pour leur vie.

L’une de ces régions est le Cauca, qui est redevenu, année après année depuis la signature de l’Accord de Paix, le département présentant les taux les plus élevés de violence meurtrière contre les dirigeants, les dirigeantes et les autorités ethniques, et où au moins six groupes dissidents de l’ancienne Farc sont présents.

Les 10 départements où le nombre d’homicides de dirigeants sociaux est le plus élevé 2016-2021

L’image montre le nombre d’homicides de dirigeants sociaux pour 2021. Voir la variation entre les années 2016 et 2021 sur ce lien, à la fin de l’article.

« Les dirigeants des groupes moteurs – dit un dirigeant de la région du Cauca – qui ont participé à la création du Programme de Développement axé sur le Territoire PDET, et ont exigé le respect du PDET, augmentent leurs risques parce que dans certains endroits, être un défenseur de la mise en œuvre de l’Accord de Paix, du PDET, devient un risque en raison de la présence de groupes armés, mais aussi parce que les communautés rejettent la faute du non-respect sur les groupes moteurs, les mouvements sociaux et communautaires. »

C’est pourquoi il est demandé à l’Agence pour la Rénovation du Territoire ART et aux autres institutions de l’État d’éviter la stigmatisation, de soutenir le rôle de surveillance des travaux du Programme de Développement axé sur le Territoire PDET, et d’insister sur la défense de l’intégrité des leaders sociaux qui croient encore à l’Accord de Paix et défendent à fond sa mise en œuvre comme moyen de reconstruire les communautés après tant de décennies de violence et de marginalisation.

 

Sources

Article « Les Programmes de Développement axés sur le Territoire (PDET) n’ont pas réussi à étancher la soif de bien-être rural » en espagnol et anglais :

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com/pdet-no-han-logrado-saciar-sed-bienestar-rural/

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com/en/the-pdets-have-not-been-able-to-quench-the-thirst-for-rural-welfare/

Présentation complète avec les 13 articles :

https://tortuoso-camino-implementacion.verdadabierta.com

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet